Le récit qui suit est une oeuvre de fiction. Bien qu’il soit inspiré de situations réelles et fondé sur des recherches approfondies, il ne correspond à aucune personne ou événement précis.
L’objectif de ce texte est de sensibiliser et de susciter une réflexion sur les VSS. Il cherche à illustrer des réalités vécues par de nombreuses filles et femmes à travers le monde, tout en respectant leur dignité et leur vécu.
Si vous êtes victime ou même témoin, ne restez pas seule. Demandez de l’aide.
Lili était l’ainée d’une fratrie de six enfants, la seule fille dans un foyer où les rôles étaient strictement définis, immuables. Dès son plus jeune âge, elle comprit que son destin était différent de celui de ses frères. Alors qu’eux jouaient, allaient et venaient sans contrainte, elle passait ses journées à aider sa mère, une femme effacée et résignée, totalement sous l’emprise d’un mari sévère et peu aimant. Les tâches ménagères semblaient interminables : la cuisine, le ménage, la vaisselle, la lessive, les soins aux plus jeunes. Lili, bien qu’encore une enfant, endossait déjà un rôle d’adulte. Son père, autoritaire et inflexible, fermement campé sur ses croyances d’un autre temps cantonnant la femme au service de l’homme ne leur laissait, à elle et sa mère, aucun répit. Ses frères, forts de cet exemple, se comportaient comme des petits rois. Aucun ne levait le petit doigt, ne serait-ce que pour soulager leur mère, à défaut de leur soeur. Pire encore, ils s’attaquaient à Lili dès qu’ils en avaient l’occasion. Elle subissait ainsi coups, insultes et moqueries sans que sa mère ne puisse rien y faire. En effet, cette dernière n’intervenait que rarement de peur de mettre son mari en colère.
A 13 ans, Lili fit une rencontre qui illumina brièvement son quotidien sombre. Un garçon de son collège lui plaisait. Il était gentil et respectueux. Pour la première fois, elle se sentait vue autrement que comme une servante ou une cible de violence. Ils commencèrent à se fréquenter timidement : il la raccompagnait parfois à pied après les cours, parcourant avec elle les 200 mètres qui séparaient le collège de sa maison. Main dans la main, ils parlaient de tout et de rien, le coeur léger. Mais cette douce parenthèse ne passa pas inaperçue. Un jour, l’un de ses frères les aperçut. Ce fut comme si le feu avait pris dans la maison. Le soir-même, le père explosa de colère, frappant Lili violemment en lui criant qu’elle était une honte pour leur famille. Ses frères, galvanisés par la colère paternelle, la menacèrent de mort si elle continuait à salir leur nom. Elle fût cloîtrée à la maison plusieurs semaines, surveillée comme la prisonnière qu’elle était. La violence s’intensifiait, chaque mot ou geste devenant un prétexte pour la frapper et l’humilier.
Malgré tout, Lili puisa en elle la force de continuer ses études. A 19 ans, elle décrocha un diplôme professionnel dans la vente. Un petit miracle, comme volé à ce quotidien qui semblait vouloir l’étouffer. Trouver un emploi fût pour elle une bouffée d’air. Le magasin de tissus où elle travaillait était devenu son refuge. Ses employeurs appréciaient son calme et le sérieux qu’elle mettait à la tâche. Lili pouvait enfin exister en dehors de sa famille, même si cela ne suffisait pas à la libérer entièrement. Elle espérait donc économiser assez afin d’avoir, d’ici quelques années, son propre magasin.
C’est à cette époque que son père prit une décision qui scella son avenir. Un jour, il lui annonça qu’elle allait se marier avec le fils de son meilleur ami. Elle ne l’avait jamais rencontré mais savait qu’il devait approcher la cinquantaine. Lili ne souhaitait pas cette union et le fit savoir. Mais son avis importait peu. A ses pleurs et ses supplications, son père lui répondit : « tu es une femme, tu dois obéir ». Sa mère non plus n’y pouvait rien. Le père avait déjà tout arrangé. Elle n’eut d’autre choix que de se plier.
Son époux s’avéra un homme brutal et cruel. Pire encore que son père et ses frères. Dès les premiers jours de leur mariage, il imposa son autorité par la violence. Les coups pleuvaient pour un repas jugé trop froid, une parole pas assez audible ou simplement parce qu’il avait passé une mauvaise journée. Les nuits étaient marqués par les viols conjugaux, que Lili subissait en silence, terrifiée et impuissante. En trois ans, elle donna naissance à trois enfants. Chaque grossesse était une épreuve, ponctuée de coups et de brimades. Pourtant, elle aimait profondément ses enfants. Ils étaient devenus sa lumière dans cette nuit perpétuelle qu’était sa vie. Elle supportait tout pour eux, espérant secrètement qu’un jour, elle trouverait le moyen de s’enfuir.
Ce jour arriva bien assez tôt. Un soir alors que son époux était rentré de mauvaise humeur, leur fils ainé, âgé de trois ans, jouait dans le salon en s’inventant des histoires avec ses figurines. Agacé par le bruit, le père s’emporta et leva la main sur le jeune enfant. C’était la première fois qu’il frappait un de leurs enfants. D’habitude, il se contentait de les ignorer. Lili sentit une rage sourde monter en elle. Cela ne pouvait plus continuer. Elle décida qu’elle partirait cette nuit-là, quoiqu’il en coûte. Une collègue au magasin, lui avait déjà proposé à plusieurs reprises de l’héberger après avoir compris ce qu’elle subissait. C’était décidé, elle irait là-bas ! Lorsque tout le monde fut endormi, elle rassembla quelques affaires dans un sac et réveilla doucement ses enfants. Elle leur murmura de ne pas faire de bruit mais alors qu’elle s’apprêtait à sortir, son mari se réveilla. Dans un éclair de colère, il comprit ce qu’elle était en train de faire. Il se jeta sur elle, l’arrachant de ses enfants qui hurlaient de peur.
Ce qui suivit fut d’une brutalité inouïe. Son mari la frappa avec une violence qu’elle n’avait encore jamais vue. C’était comme si cette tentative de fuite avait fait céder une barrière. Lili tenta de se défendre, de protéger ses enfants. Mais, elle ne faisait pas le poids. Elle se battit comme elle put et, sous les yeux terrorisés de ses trois petits, il mit fin à la vie de leur mère. Lili mourut cette nuit-là victime d’un système qui l’avait condamnée dès sa naissance. L’enfermant dans une cage de silence, de violence et d’injustice. Ses enfants, certainement trop jeunes pour comprendre la pleine mesure du drame qui s’était noué cette nuit, seront marqués à jamais.
L’histoire de Lili, bien que fictive ici, est celle bien réelle de bien trop nombreuses femmes dont les rêves sont brisés et la voix étouffée. Vous pouvez, si vous le souhaitez, témoigner ou partager votre expérience en commentaire.
💔 C’est si émouvant !